Texte 3 L'acte cannibale, une barbarie?
LECTURE ANALYTIQUE 2
Problématique : Quel regard pose Montaigne sur les sauvages à partir du récit d’un épisode incontournable de leur vie sociale : l’acte cannibale ?
- Un regard étonnant
- Mise en cause de la vision des Européens sur les indiens : cf remise en question de l’opposition entre société civilisée et barbare. L 27, « ce n’est pas » / « c’est » = Correction + Thèse l.29 . « on » pense ainsi mais c’est l’opinion commune contestée par Montaigne.
- Vision de Montaigne sur les Européens et sur les Indiens ? neutralité de Montaigne face aux Indiens/ condamnation des Européens l. 47, hyperboles « beaucoup plus grands maîtres qu’eux », et périphrase. l 38 à 41
- 2 longues phrases complexes pour introduire l’ambiguïté de la comparaison entre Indiens et français (cf guerres de religion). (l.47 à 61)
- Une forme d’hésitation propre à l’essai (pas de certitude mais une pensée en cours), un essai de réflexion…
- Contexte des guerres de religions: argument par analogie et opposition; comparaison entre violences indiennes et européennes → on comprend que Montaigne veut dénoncer les guerres de religion.
Montaigne relativise l’horreur de l’acte cannibale sans pour autant la légitimer. Mais il veut poser un regard objectif, dépassionné.
- Un regard objectif et dépassionné
- Une démarche scientifique et rationnelle : Montaigne adopte un raisonnement inductif qui part de l’observation des Indiens pour aboutir à une réflexion plus générale. Mouvement du texte = Récit (l.1 à 26) puis explication (l. 27 à 30).
- Neutralité des récits de combats et même point de vue plutôt admiratif de leur courage : présent de narration, lexique de la guerre puis de la nourriture; vocabulaire évaluatif limité aux combats.
- Formule sa thèse ligne 27 et pose un constat. « Ce n’est pas … c’est pour » , cette correction met en relief une nouvelle vision de l’acte cannibale. Montaigne s’attache à corriger une erreur qu’il dénonce.
Montaigne refuse de réduire les violences des peuples d’Amérique à des actes barbares. Il formule une interprétation socialement et humainement compréhensible. Il inscrit l’acte cannibale dans l’humanité en lui conférant une dimension symbolique et morale.
- Un regard humaniste sous l’égide des penseurs antiques
- Montaigne valide sa propre réflexion. Par le recours à Chrysippe et Zénon l. 62 cf stoïcisme, à définir.
- Le cannibalisme n’est pas une idée émanant des seuls Indiens mais elle trouve sa source dans une tradition littéraire. Montaigne multiplie les exemples de cannibalisme: « nos ancêtres », les Gascons, les médecins…
Grâce à ce procédé, le cannibalisme devient une pratique noble contrairement à la cruauté, la « barbarie » des européens durant leurs guerres. (conflit entre protestants et catholiques, cf Saint-Barthélémy, 24 août 1572)
Concl°
Point de vue original de Montaigne qui fait preuve d’une grande liberté de pensée. Il a une démarche d’ethnologue et de sociologue avant l’heure. Car, sans condamner a priori, il nous invite à regarder l’autre avec curiosité et intérêt. Et non rejet et dégoût.
Cette curiosité pour autrui, Montaigne la manifeste également dans sa conception du voyage qu’il développe dans le troisième livre de ses Essais. (III, 9, « De la vanité ») cf texte 1 du GT sur l’altérité.